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Angela Gheorghiu
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Angela Gheorghiu




Interview exclusive d'Angela Gheorghiu, soprano, à propos des divas et de la vie d’artiste.

Qu’est-ce pour vous qu’une diva ?

Et que recouvre cette notion pour vous ?

Dites-le moi !

Non, j’ai envie de l’entendre de votre bouche.

D’après le dictionnaire, le mot vient du latin et signifie « déesse » ...

Quoi ! Moi ! (Rire). Il y a des années, quelqu’un a prononcé ce mot en parlant de moi, j’adore ça. C’est une question d’aura, on est différent des autres « divines », et ça vient bien de « diva ». Je suis cantatrice. Je ne peux pas être comme tout le monde.

Vous aimez vraiment qu’on vous appelle « diva » ?

Et comment ! La musique, le théâtre n’existeraient pas sans divas. Le public a besoin de divas, de gens qui soient différents d’eux. Sinon nous serions tous pareils, laminés comme sous un régime communiste, quelle horreur !…

Walter Legge, qui produisait la Callas pour EMI, pensait qu’une diva était quelqu’un « d’une ambition démesurée, d’un égocentrisme maniaque et d’une soif de gloire inextinguible ».

Pauvre homme ! Il n’a rien compris. Il ne sait pas ce que c’est qu’un artiste. Il n’a rien vu d’autre que le travail. Il existe des artistes nés et des artistes arrivés. On l’est ou on ne l’est pas. Moi j’en suis une.

Vous avez grandi en Roumanie, dans un régime communiste ne tolérant pas la starisation.

Je n’aime pas beaucoup en parler. C’était une situation politique difficile ; tout était très compliqué. En bref, il n’y avait rien à acheter, les hivers étaient très froids, mais nous avons eu une bonne vie, avec une bonne ambiance. Et nous avons bénéficié d’une excellente formation.

Votre art vous a été enseigné dans une de ces écoles de musique spécialisées, à Bucarest, une véritable caserne comme on n’en trouvait que dans les pays socialistes.

Oui. Le système communiste a bien été horrible par certains côtés mais l’école était fantastique, même sur le plan de la culture générale. Nous avons appris énormément de choses sur les pays de l’Europe de l’Ouest, leur littérature, leur musique… Et vous, vous ne savez rien de nous ! On a l’habitude de mettre tous les pays communistes dans le même sac. Nous, en Roumanie, nous avons une langue très différente de celle que l’on parle, par exemple en Russie. Notre langue est très proche du latin. J’ai été à la meilleure école que l’on puisse imaginer pour faire une carrière comme la mienne.

A quel âge avez-vous remarqué que vous vous sentiez bien sur scène ?

A 6 ans environ. Le premier air que j’y ai chanté était une mélodie allemande de Brahms. J’étais toute petite et je ne pouvais plus m’arrêter. Mes parents ont tout de suite vu que moi-même et ma sœur, qui était aussi soprano, avions un avenir dans ce métier. On me voyait déjà à l’opéra, on voulait m’entendre, pourtant j’étais encore une petite fille. Et moi j’adorais voir les larmes dans les yeux de ceux qui m’écoutaient, c’était une véritable jouissance pour moi.

Les sentiments que vous éprouvez sur scène sont-ils encore les mêmes qu’autrefois ?

Non, aujourd’hui, c’est tout à fait différent. La pression est de plus en plus forte. J’ai l’impression de devoir m’améliorer et me perfectionner de plus en plus. Enfant, je ne ressentais évidemment pas encore cette contrainte.
Est-ce que ça devient de plus en plus dur au fil des ans ?

Non, quand même pas. Il y a des phases difficiles dans une carrière. C’est parfois très dur quand on a des problèmes vocaux ou sentimentaux. Et puis nous avons tous des tempéraments différents.

Il paraît qu’une voix de femme reflète le moral de la cantatrice...

Non, c’est faux. Naturellement, en tant qu’artiste, on donne toujours quelque chose de soi-même, mais sur scène, quel que soit l’état dans lequel on se trouve, il faut rester professionnel, viser la perfection. Et tout le monde le sait. Si l’on ne se sent pas bien, il faut rester chez soi. (Rire) Le public se rend à l’opéra pour rêver, donc il faut être aussi bon que possible.

Que vous ayez eu peur de l’avion, que vous ayez un chagrin d’amour, des problèmes familiaux ou que vous soyez tout simplement éreintée, c’est pareil.

Oui. C’est comme ça. Le spectacle continue !

On vous compare souvent à la Callas...

Pour dire une chose pareille, il faut totalement manquer de culture générale...

Attendez. D’autres disent que vous ne seriez pas assez névrosée pour avoir le format d’une Callas.

(Grand éclat de rire) J’ai déjà lu beaucoup de choses sur mon compte, mais celle-là, je ne l’avais pas encore entendue. On écrit n’importe quoi à mon propos. Il faudra que j’en fasse la collection. En connaissez-vous d’autres ? Non. Je ne suis vraiment pas névrosée.

La Callas avait le courage de paraître laide sur scène. Et vous ?

(Rire) Et pourtant, elle faisait tout pour être belle. Elle a minci, elle s’habillait avec beaucoup d’élégance.

Mais elle avait le courage de se donner entièrement, elle incarnait sur scène des émotions extrêmes, sans se soucier de son allure.

Oui. Sa voix pouvait être horrible (rire). Il faut que je travaille beaucoup sur moi pour m’enlaidir. (Rire) Ici, au Met de New York, on m’a demandé d’être disgracieuse en Marguerite, dans le dernier acte du Faust de Gounod, avec des cheveux courts, un peu dérangée… Mais l’extérieur n’est pas le seul critère qui compte. Le caractère du personnage importe davantage. Sur scène, il faut être sincère. C’est ça qui compte. Il y a un moment où la beauté n’a plus aucune signification. Dans Macbeth, de Verdi, il faut même une voix déplaisante, et ça nécessite beaucoup de travail, ce n’est pas facile du tout.

Les chanteurs doivent protéger leur voix, qui est leur capital. Etes-vous une esclave de votre voix ?

Non, pas moi. Je suis habituée à la discipline depuis ma plus tendre enfance, je n’ai pas ce problème. Ou pour le dire autrement : je suis une esclave de ma voix mais une esclave consentante. (Rire).

Et celle d’un homme ?

Mmh... (Grand éclat de rire) Non, je crois que personne n’aime ça (rire).

Votre époux, le ténor Roberto Alagna, avec qui vous partagez de nombreux projets, a comparé votre couple à celui de Ginger Rogers et Fred Astaire.

Il est adorable. En plus, nous sommes tous deux des danseurs passionnés (rire). D’ailleurs, si je n’étais pas devenu cantatrice, je serais comédienne. J’aime la caméra, j’aime incarner des personnages, changer d’époque. C’est extraordinaire !

Le 14 mars 2004, ARTE diffusera l’enregistrement d’un récital que vous avez donné en juin 2001 à Covent Garden.

C’était la première fois que je chantais à Covent Garden. Entre-temps, j’y suis très souvent. Mais ce soir-là, j’étais très nerveuse, et seule. C’était difficile, très dur. J’aimais ce répertoire et les compositeurs. Le programme était varié, allant de Haendel et Mozart à Massenet et Puccini en passant par Bellini et Cilea, avec même un air de My Fair Lady, « I could have danced all night ». Mais une soirée comme celle-là exige beaucoup, et c’est très différent de l’opéra. C’est une sorte de ‘one woman show‘. L’orchestre et moi, nous nous entendions très bien et tout le monde m’a soutenue. C’était extraordinaire de pouvoir chanter à Covent Garden.

Propos recueillis par Teresa Pieschacón Raphael pour ARTE.


Sélection de CD:


DIVA
Angela Gheorghiu
Arias d'opéra von Bellini, Rossini, Handel, Verdi, Massenet, Gounod, Bizet
Divers orchestres
Chefs d'orchestres entre autre Antonio Pappano et Michel Plasson




Mise à jour: 22/04/04 | Retour en haut de page |

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