Comme mélomane et pianiste, on peut remercier Chopin pour le legs de son impressionnant corpus de pièces pour piano seul. Son répertoire de valses, mazurkas, nocturnes, études et autres, constitue un trésor de gemmes de la période romantique.
Sensibilité, délicatesse et mélancolie traduisent l'âme du compositeur à l'émotion somme toute plus discrète et subtile que pimpante et flamboyante.
Réussir à «jouer du Chopin» ne requiert pas qu'une technique; peut-être plus que pour l'interprétation de tout autre compositeur, le pianiste doit en quelque sorte céder la priorité à l'émotion, laissant la technique sous le clavier, un peu comme l'engrais caché dans la terre d'un magnifique aménagement paysager. Les pianistes qui émeuvent en jouant Chopin sont ceux qui semblent le respirer en le jouant.
La soliste invitée par l'OSTR samedi a rendu avec dignité cette sensibilité à fleur de peau, cette émotion à la fois discrète et vive qui distingue une interprétation mécanique d'une qui touche davantage les sens.
Le défi technique inhérent à la formule du concerto a été relevé avec brio par la pianiste d'origine roumaine, particulièrement lors de la finale du troisième mouvement, où la course effrénée des doigts sur le clavier donne l'impression d'un feu d'artifice de notes.
Cependant, et le commentaire suivant demeure des plus personnels, la quintessence de la personnalité unique de Chopin se révèle davantage dans son oeuvre pour piano seul.
Si on peut le louer pour le legs de ce répertoire pour instrument seul, on ne se désole pas particulièrement qu'il n'ait pas composé plus que deux concertos. Non pas que ceux-ci s'avèrent négligeables, mais on peut être habité de l'impression que la formule avec orchestre dilue l'essence d'une sensibilité déjà si complète au piano seul.
Ceci dit, l'OSTR et sa soliste invitée ont su faire honneur à Chopin samedi avec une interprétation juste, témoignant de l'excellence du compositeur mort à 39 ans en 1849.
En ouverture de concert, l'OSTR a présenté «Kaléidoscope», de Pierre Mercure, un compositeur québécois lui aussi décédé prématurément à 38 ans.
Composée par un Pierre Mercure au tournant de la vingtaine, «Kaléidoscope» avait été créé en 1948 par l'orchestre de Radio-Canada. Illustrant son titre, la pièce joue avec les rythmes et les mélodies afin de créer des mosaïques d'images se composant et se décomposant constamment.
En seconde partie, l'orchestre est demeuré dans cet esprit un peu ludique en offrant les «Variations Enigma» du Britannique Edward Ealgar. Encore une fois ici, l'image est mot-clé de l'oeuvre.
En 14 tableaux, le compositeur a tracé le portrait d'autant de personnes de son entourage, dont lui-même. Heureusement, ces 14 individus étaient suffisamment différents pour créer un ensemble musical varié et habilement détaillé, l'utilisation ciblée des familles d'instruments (notamment des percussions) contribuant à cette habile personnalisation.
L'épouse du compositeur, deux amies, un voisin, un éditeur, un architecte, et quelques musiciens ont inspiré ces portraits musicaux évocateurs et rafraîchissants.?